S’il y a bien une chose que j’ai appris à mes dépens en devenant maman,
c’est cette nécessité absolue de lâcher prise, laisser être, perdre le contrôle… chacun trouvera les mots qui sonnent juste pour lui. Je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être. J’ai grandis dans le contrôle parental, ma maman avait cette capacité d’avoir une main de fer… sans gant de velours ni grain de folie. Sauf que le contrôle fait appel à la fonction la plus élaboré de notre cerveau… notre néocortex. Celui-ci nous est très utile pour planifier les prochaines vacances ou envisager un achat immobilier mais il ne nous est vraiment pas d’une grande aide pour accoucher, accueillir un tout petit, se connecter et faire grandir l’attachement avec le bébé.
Pendant toute ma première grossesse tout était sous contrôle. Oui je savais que mon bébé était là, j’étais un peu plus fatiguée mais j’ai gardé le même rythme occultant complètement ce temps de préparation nécessaire à l’accueil.
Très vite j’ai su que je voulais un accouchement à domicile, c’était une évidence pour moi alors j’ai tout préparé comme il faut, comme ma sage-femme me disait, comme je le lisais sur moult blogs, articles et livres. C’était il y a 11 ans… et dans mes souvenirs tout était intellectualisé… Mon cerveau carburait pour garder le contrôle…
Tant d’énergie dépensée de manière vaine alors que j’aurais pu apprendre à me connecter à ce petit être qui déjà dans mon ventre avait des besoins. Prendre conscience des besoins de son bébé intra-utéro n’est pas chose facile. Dans son cocon, baignant dans une eau chaude branché avec son cordon qui lui apporte oxygène, nutriments et qui rejette tout ce qui est en trop, on pourrait dire qu’il est comblé. Et pourtant déjà il absorbe les émotions, déjà il subit… ce que je vis il le vit à 300% .
N’y a-t-il pas nécessité à faire de la place. On voudrait que son petit nid soit tout prêt alors on s’excite à faire le ménage, de très grands rangements ou aménagements, à déplacer les meubles, à refaire les peintures alors qu’au fond de sa poche il espère une place dès maintenant, pas celle qu’il occupera dans quelques mois. D’autant plus que pendant les premiers mois il n’aura besoin de rien d’autre que du corps de son parent et de toute son attention aimante.
Comment peut-on accueillir ce qui se vit vraiment au cœur de notre corps ?
Non ce ne sera pas le prolongement de nous-même, ce sera un petit être bien différent que l’on ne comprendra pas forcément et qu’il va falloir nécessairement apprivoiser. La relation se construit dès le premier jour de la grossesse, bébé développe son sens du toucher dès les premières semaines, les caresses du ventre viennent le bercer, puis nos mouvements, notre voix, ce ralentissement du rythme. Pour les parents qui pratiquent l’haptonomie cette approche du toucher est particulièrement riche et soutenante.
Les injonctions sont nombreuses autour de la grossesse « Ce n’est pas une maladie », il faut travailler jusqu’à 7 mois et demi, être au top. Sans parler du premier trimestre épuisant dont on ne parle pas au cas où il y ait une fausse couche… non mais qui préserve-t-on ? Les autres ou nous-mêmes ? J’ai cette intime conviction que tout futur parent a besoin d’être soutenu dès les premiers instants de la grossesse, a besoin d’être écouté face à ce projet un peu fou qu’est celui de faire un naître un nouvel être.
Garder le contrôle ou tout de moins avoir le sentiment de pouvoir garder le contrôle, nous sommes très nombreuses à avoir expérimenté que cela ne fonctionne pas. Et plus vite on l’accepte mieux on ira.
Je reviens à mon premier bébé, persuadée que je pouvais accoucher à domicile, tout mon corps a fait résistance. J’ai dépassé le terme, déclenché une préeclampsie… 4 jours après le terme bébé n’était toujours pas descendu, la machine médicale s’est mise en route et cela a fini en césarienne. Je ne sais pas ce qu’il se serait passé si j’avais accepté de laisser de la place à mes émotions, si j’avais accepté de dire mes craintes, mes peurs à accueillir ce bébé, de pleurer plutôt que de tout retenir, d’accueillir ce voyage à la rencontre du bébé que j’ai été. Il y a 40 ans, ma naissance a dû rentrer dans le planning de mon père expatrié de passage rapide en France, de l’équipe médicale décidée à m’accueillir en journée plutôt qu’au cœur de la nuit. Michel Odent dans « Le bébé est un mammifère » nous rappelle ces besoins fondamentaux pour accueillir la vie, ce besoin de revenir à notre nature profonde de mammifère, cela nous permet de laisser bébé vivre sa naissance et cela nous permet d’ouvrir notre cœur, de pleurer ce qui doit être déposé et de laisser nos corps (celui du bébé comme celui de la mère) prendre la main sur ce mécanisme de la naissance.
Après cette étape et avec ce petit être tout fragile dans les bras je me suis retrouvée démunie. Et je n’avais personne pour accueillir véritablement mes émotions, toutes celles contenues de longs mois voire de longues années avant, je n’ouvrais pas mon espace intérieur tout était verrouillé, caché. On m’attendais heureuse d’avoir eu un bébé, alors que je vivais un tsunami intérieur. J’aurais aimé que l’on reconnaisse comme c’est éprouvant, épuisant.
Plutôt que d’abreuver le futur parent de théorie, de concepts, d’injonction, comment pourrions-nous laisser de la place à l’être ? Comment le partenaire pourrait-il devenir le garant de cet espace de sécurité émotionnelle autour de la mère ? N’y a-t-il pas aussi urgence à se créer un village soutenant ?
En tant que futur parents et parents, nous avons une nécessité absolue de se créer un cercle, un cercle d’amis, de connaissances, d’écoutants avec qui il sera possible de tout dire. Aujourd’hui il existe de plus en plus des associations, des espaces municipaux, des professionnels qui offrent cette qualité d’écoute. Et si on offrait à chaque futur parent et parent la chance d’y avoir une place, leur place ?
Je conclus sur la définition de la bienveillance. Être bienveillant c’est porter sur autrui un regard aimant, compréhensif, sans jugement, en souhaitant qu’il se sente bien et en y veillant.
Que faisons-nous pour porter ce même regard sur nous-même ? Il est clair que débrancher le mental nous aidera à nous connecter à nous-même et par la même occasion aux autres.